CHATEAU du Baron Hervé

La construction du Château dit du Baron Hervé est à dater des premières années du XVIIIème siècle. Sa morphologie évolue au XIXème et il connaît différents propriétaires jusqu'à son acquisition par la municipalité de Dorlisheim.Au début des années 2000, après une réhabilitation réalisée par l'agence strasbourgeoise Richter Architectes et Associés en concertation avec les Bâtiments de France, il devient à la fois l'épicentre de la vie associative et culturelle des seniors à Dorlisheim et le lieu d'accueil des plus jeunes, avec la création d'un périscolaire.

Le château aurait été construit en 1714 par l’architecte du château d’Ottrott appartenant à la famille Witt-Guizot. Il serait une commande de riches viticulteurs strasbourgeois, désireux de passer l'été à Dorlisheim. La date de 1714 est retenue en raison de son inscription sur la clé de voûte de l'arc de la cave qui, croisée avec les éléments stylistiques du bâtiment, permet une datation précise. En effet, les documents officiels et historiques du château ont été détruits lors des pillages dont il a été victime lors des deux guerre mondiales, emportant avec eux une partie de l'histoire et de la mémoire du château.Des informations demeurent cependant disponibles et l'on sait qu'à sa construction, le château ne compte qu'un étage en plus du rez-de-chaussée et que la tourelle n'existe pas encore. Au début du XVIIIème siècle, c'est une résidence secondaire très cossue qui possède déjà un parc.Le château connaît une première phase de restauration en 1820 mais c’est véritablement à partir de 1868 qu’il adopte la morphologie qui est la sienne aujourd’hui. Sous l’égide de la famille Hecht, qui s’en est portée acquéreur au XIXème siècle, le château s’agrandit. Un second étage est construit, qui dote l’édifice d’une imposante toiture en ardoise et la tourelle est construite. Celle-ci est surmontée d’un brochet - “brochet” se dit “Hecht”, en allemand - qui apporte la signature de la famille à l'édifice.

La donation de M. Hecht à sa fille, la Baronne de Montbrison, fait passer le château à la branche protestante de la famille. Cette transition entre en écho avec la longue tradition d’entente entre catholiques et protestants en Alsace, et particulièrement à Dorlisheim qui a longtemps appliqué le Simultaneum en son église.En 1890, le château est acheté à la Baronne de Montbrison par le Baron Alfred Hervé-Gruyer et son épouse Hortense Heiligenthal, Baronne Hervé. La Baronne Hervé-Gruyer est la grand-mère de la la Comtesse Hervé de Brosses, épouse du Comte de Brosses, qui seront les derniers propriétaires du château. A l’issue de la guerre, la famille retrouve le château et l’entretient en tant que propriété privée jusqu’à sa vente à la municipalité de Dorlisheim en 1999.La première guerre mondiale aura des conséquences importantes pour le château puisque l’administration allemande s’en saisit et le déclare “bien ennemi”. A ce titre, il est mis en vente en Septembre 1918 mais l’armistice met un coup d’arrêt à cette démarche. Néanmoins, la demeure est vidée de sa bibliothèque, de ses documents officiels et de ses photographies.Les meubles de valeur sont quant à eux remisés sans que l’on connaisse le destin qui leur était réservé, mais cela permet aux Hervé-Gruyer d’en reprendre possession à l’armistice. A la seconde guerre mondiale, le château est à nouveau concerné par les affrontements. Le pillage qu’il subit de l’autorité allemande est dévastateur : le mobilier est vendu aux enchères, les livres, le contenu des meubles, les souvenirs et tout le petit mobilier sont brûlés dans la cour. Seuls quelques petits objets ont pu être sauvés grâce à l’implication des habitants du village, qui les ont cachés en leurs propres maisons, au mépris des risques encourus. La brutalité des exactions commises envers le château se double de l'expulsion de la Baronne Hervé-Gruyer, avec le premier convoi d'alsaciens chassés du territoire, en Août 1940.Dans l'ampleur des agressions qu'ont subi le château et ses propriétaires, il faut comprendre leur valeur pour les Dorlisheimois. En effet, le château n'a pas été détruit mais dépossédé des supports de sa mémoire. En tant que demeure remarquable et lieu d'histoire pour le village, mais aussi en tant qu'objet d'attachement pour les dorlisheimois, cette demeure fait partie de l'identité du village et en constitue une valeur culturelle forte. Sa mise à nu symbolique par l'occupant correspond à une tentative d'oblitération des ses significations culturelles et territoriales, dans le but de leur réécriture et de l'affirmation d'une légitimité.

Le château a donc connu plusieurs étapes de construction. La confortable demeure secondaire du XVIIIème siècle s’est mue en château au XIXème siècle avec l’adjonction du second étage et de la tourelle. Initialement, les deux corps de bâtiments situés dans la cour servaient au logement des domestiques, à l’hébergement de la cuisine et aux écuries. Des auges en pierres ont été retrouvées, ainsi qu’un puits et une cavité creusée dans la terre qui a probablement servi à la culture de champignons. Un autre puits existe dans la cave du château. Lors de la rénovation, tous deux ont été vitrés et éclairés, ce qui permet d’observer la montée des eaux. Côté cour, l’accès au rez-de-chaussée du château s’effectue par un escalier à rampe en fer forgé. C’est l’un des éléments de décor les plus ornementaux de la bâtisse, hormis quelques petits éléments sculptés. Côté parc, cet accès se fait par un escalier à double hélice, synonyme de prestige dans l’usage des lieux. En effet, cette façade est en contact avec le parc qui, immense et arboré, renvoie à la vocation initiale des lieux : la détente, le repos en plein air et la vie sociale.A l’aube des années 2000, la famille de Brosses met en vente la propriété. Un projet de promotion immobilière est un instant envisagé mais la Municipalité de Dorlisheim, afin de préserver au maximum l’intégrité patrimoniale du lieu, décide d’intégrer le château au patrimoine bâti de la commune. Le troisième chapitre de l’histoire du château s’ouvre donc. Il est appuyé sur un projet politique et culturel de préservation du patrimoine et se déroule en collaboration avec l’Architecte des Bâtiments de France et l’agence Richter Architectes et Associés.L’objectif du chantier est la création d’un périscolaire et d’un lieu d’accueil pour les activités associatives des seniors, avec pour prérogatives la mixité fonctionnelle et le caractère transgénérationnel des usages, selon les termes de Jan Richter, chef de projet. Le périscolaire et son réfectoire sont domiciliés dans les deux corps-avant de bâtiments, tandis que les associations bénéficient d’espaces individuels dans le château en lui-même. Ainsi, les clubs de cuisine, de danse, de musique ou d’oenologie trouvent des salles dédiées et aménagées selon leurs besoins.Le château possède également un bureau, une salle informatique et une salle de conférence. Par ailleurs, un espace de rencontre des seniors et des plus jeunes a été prévu au sein du périscolaire, en salle de lecture. De la même manière, la cuisine du château dessert également l’usage que peuvent en avoir les plus jeunes.Le chantier en lui-même a consisté en la réfection complète de la charpente, la rénovation intérieure sans modification de la distribution, l’aménagement des bâtiments secondaires, la mise en conformité des installations et de l’accessibilité. Le parc avait alors fait l’objet d’une intervention préalable. L’extension qui accueille l’ascenseur est une reconstruction à l’identique de l’existant. Son grand état de délabrement n’a pas permis d’envisager sa rénovation et a nécessité sa démolition puis sa reconstruction. Dans la mesure où elle était un ajout du XIXème siècle, sa reconstruction a été validée par les Bâtiments de France et n’a rien enlevé à l’aspect du château. Des éléments remarquables ont pu être conservés. Il s’agit du parquet à losanges du rez-de-chaussée et de l’escalier qui mène au premier étage. Le modèle de cet escalier a été retrouvé dans d’autres demeures des environs. Il semblerait qu’il soit l’oeuvre d’un maître menuisier qui l’a reproduit à quelques exemplaires. La réhabilitation du Château du Baron Hervé a permis la conservation de la demeure et l’inscription de ses usages dans une dynamique collective, tout en conservant son identité.